Les mémoires ouvrières :

Je viens de découvrir le site de l’inventaire du patrimoine culturel de la Nouvelle-Aquitaine. Un des articles a particulièrement retenu mon attention, c’est un article sur les minotiers et les meuniers. Il s’agit de l’ancienne minoterie de mes grands-parents dont j’ai régulièrement parlé sur ce blog. Voici un résumé de l’article et la vidéo qui l’accompagne.

« Une vie, une usine » : meunier, minotier

Une vingtaine de minoteries fonctionnent aujourd’hui en Charente, Charente-Maritime, Deux-Sèvres et Vienne, parmi les 380 en activité en France. Neuf meuniers-minotiers nous parlent de leur métier, entre les années 1950 et nos jours.

Le métier de meunier n’a cessé d’évoluer avec la transformation de l’outil de travail. Jusqu’à la seconde moitié du 19e siècle, la production de farine était assurée par une multitude de petits moulins à eau et à vent. La modernisation des moulins à blé hydrauliques, entre les années 1830 et 1880, a nettement augmenté leur productivité. Cette dernière a encore décuplé, à partir des années 1880, grâce à l’utilisation de machines à cylindres – à la place des meules – et l’installation de systèmes de tamisage et de moyens de transport des produits, qui ont transformé le moulin en minoterie.

Minotier de père en fils

La minoterie est le plus souvent un établissement familial transmis de génération en génération ; il n’est pas rare que père, fils et frère y travaillent de concert. Le chef d’entreprise est appelé minotier, tandis que l’ouvrier chargé de la production est dit meunier. Le minotier-meunier est généralement fier de son métier qu’il estime diversifié et valorisant, le blé-farine étant considéré comme un produit noble. Un vrai attachement existe aussi vis-à-vis de son outil de travail, la minoterie.

Les minoteries qui fonctionnent encore ont augmenté leur contingent (quantité de production autorisée par une réglementation depuis 1935) ou leurs droits de mouture en achetant ceux de confrères qui prenaient leur retraite. Cependant, il existe encore d’assez petites unités de production relevant davantage de l’artisanat que de l’industrie.

Le métier

Dans les années 1950, le travail s’apprenait sur le tas. Ce métier était alors parfois couplé avec celui d’exploitant de ferme, la minoterie n’étant qu’une partie de l’exploitation. Désormais, le jeune a la possibilité de se former dans une école de meunerie, accessible à partir de la classe de 3e. Une telle école existe à Surgères, en Charente-Maritime. Le métier est différent selon la taille de l’entreprise, plus cette dernière est grande et plus des entreprises extérieures interviennent pour les tâches annexes.

Le métier consiste à s’approvisionner en blé, nettoyer et calibrer ce blé, le stocker, le préparer en le mouillant, le laisser reposer, le mouiller une deuxième fois, puis fabriquer la farine grâce à une succession de passages dans les broyeurs, convertisseurs et tamiseurs, et enfin la conditionner. Le métier revêt également un caractère commercial.

Ce métier possède un aspect technique important, puisqu’il est nécessaire d’entretenir le matériel et de savoir réparer les petites pannes des machines et des systèmes de production d’énergie. L’entraînement par une roue hydraulique, encore généralisé au début du 20e siècle, a été d’abord complété, puis souvent remplacé, par un moteur thermique fonctionnant à l’essence, jusqu’à ce que l’électricité supplante toute autre source d’énergie. Les machines ont assez peu évolué dans le temps, et des machines de 50 ans d’âge sont encore tout à fait performantes. L’évolution a surtout concerné leur automatisation.

Le minotier-meunier est toujours en relation avec l’agriculteur céréalier – souvent par le biais d’une coopérative – et avec l’artisan boulanger pour une production optimale de pain. Il est ainsi amené à analyser le blé pour être en mesure de corriger ses éventuelles imperfections pour produire une farine de qualité. L’une des contraintes les plus importantes est l’obligation de traçabilité ; de nouveaux métiers ont ainsi été créés au sein des minoteries dont les données ont été informatisées. Certaines minoteries font appel à des laboratoires pour la surveillance des normes.

Avec la mondialisation des marchés, la profession est désormais confrontée à l’instabilité du cours du blé, qui fait l’objet de spéculations.

Les conditions de travail

Le travail de meunier-minotier est généralement apprécié parce qu’il possède de multiples facettes. Avec l’automatisation des outils de production, les horaires du meunier-minotier ont évolué et le travail de nuit est pratiqué dans la plupart des minoteries, au moins à certaines périodes.

Les engrenages et les courroies de transmission sont des facteurs importants de risques. La sécurité dans les établissements est une priorité.

Chauffeur-livreur

Le meunier s’occupe parfois lui-même des livraisons, mais le plus souvent un chauffeur-livreur est chargé de cette tâche. Il lui revient aussi la charge de ranger les sacs de farine chez les clients.

Entre les années 1970 et 1980, les farines se sont diversifiées, ce qui a entraîné une diminution des quantités produites par type. Parallèlement, chez les boulangers, le pétrin a diminué de grandeur, avec la fabrication de pains moins gros et le développement de la baguette. Autrefois livrée par sac de 80 kg, voire 100 kg, la farine est aujourd’hui ensachée par 50 kg et, de plus en plus, par 25 kg, afin de faciliter le stockage chez les boulangers. Seuls les gros clients prennent du vrac.

Remerciements

Merci à à Marc Baraud, Jean-Paul Bellot, Fabien Beraud, Louis-Marie Bodet, Gaëtan Boiron, Joël Breyne, Gérard Laury, Abel et Luc Thibaud.
Entretiens réalisés par Willy Paroche, ARÉAS.
Auteur : Pascale Moisdon, octobre 2016.

Voici quelques photos :